Centre de création, formation et développement pour les arts de la marionnette
Journal de voyage-Résidence en Russie avril 2006.
"DEPUIS HIER, 4 habitants." sera créé au festival d’Avignon du 15 au 23 juillet
2006 au jardin de Mons.
Et si nos habitants étaient éparpillés dans le monde...
Lundi 3 avril 2006, vol Air France 2544 à destination de Moscou. Dans l’avion
déjà, (et cela bien avant l’atterrissage) la Russie est un pays immense.
Nous partons donc, en tournée-résidence de création à Moscou et ensuite à
Saratov, Togliati et Samara, reliées par trains de nuit.
Nous avons avec nous deux cents kilos de matériel du spectacle, une ébauche de
notre série de quatre portraits que nous présentons et nourrissons sur place.
En décembre dernier, nous avons passé trois semaines en Syrie, dans le quartier
des artisans de la vieille ville d’Alep. Installés dans une maison Arabe, nous
avons travaillé avec Yasser Safi et Khaled Al Jaramani, un peintre et un
musicien syriens.
Cette nuit à deux heures, dans une rue calme du centre de Moscou, quelqu’un
allait tranquillement à cheval et semblait rentrer chez lui.
(... et je me souviens, janvier 1999, en plein centre ville de Bangkok, à 3
heures du matin, le même rythme paisible de quelqu’un qui rentre chez lui, à
dos d’éléphant...)
Jeudi 6 avril 18h40, gare de Moscou.
Des étalages sont posés dehors, devant la gare. (Quelle drôle d’idée de vendre
du poisson séché sous la pluie.) Le train pour Saratov arriverra le lendemain
vers 8h50. Des compartiments couchettes avec des bouquets de fleurs
artificielles sur des napperons et des tapis déposés en vrac dans le couloir,
nous donnent la sensation d’entrer chez quelqu’un. Un samovar au bout du wagon,
avec un feu de bois dessous, nous permettra de nous servir en eau bouillante
durant tout le trajet. Il fait très chaud. De jolies petites tasses en
porcelaine nous attendent dans leurs soucoupes sur la tablette en formica.
Notre chef de wagon, une femme en uniforme, impose une ambiance d’internat.
Avant même le départ du train, les voyageurs Russes, déjà installés, en
pyjamas, shorts et pantoufles circulent dans le couloir.
Ils sont comme chez eux. Ils sont chez eux.
Cette Russie immense serait comme un vaste appartement collectif dans lequel on
circulerait en train de nuit d’une pièce à l’autre. Quand un téléphone sonne à
l’autre bout de l’appartement, il est alors difficile d’évaluer le temps qu’il
faut pour y répondre.
Dans cet habitat, les distances seraient tellement importantes que le
différentiel entre la vitesse de la lumière et la vitesse du son, nous
laisserait imaginer, décrocher avant même que le téléphone ne sonne.
C’est peut-être la raison pour laquelle le chien russe ne se donne plus la peine
d’aboyer. Il ouvre la gueule et laisse faire l’imagination de celui qui se
trouve à l’autre bout de l’appartement de la Russie.
Saratov, Togliati, Samara, trois villes posées au bord de la Volga encore gelée.
Partout, nous avons trouvé ces mêmes petites maisons de bois bleues, ou bleues,
qui souvent ont suivi les mouvements de terrain et se sont enfoncées.
Quelquefois complètement inclinées avec un côté beaucoup plus enfoncé dans le
sol. J’essaie d’imaginer l’intérieur de ces maisons.
Le sol est-il lui aussi incliné ? un sol penché ?
Ici, celui que l’on recherche, "habite penché" quand il n’est pas dans un train
de nuit.
Je regarde par la fenêtre de trains d’autres nuits, toutes ces maisons et tous
ces gens qui habitent là où nous ne faisons que passer. Ils vivent là au milieu
de notre rien.
Pourtant, ils seront un peu dans ce spectacle.
Après une résidence au Havre en mai, nous partirons en Indonésie pour notre
dernière étape de création. C’est à Bali, autour de Denpasar que nous
chercherons notre quatrième habitant.